Orages de grêle : des dommages sur le secteur agricole, un nouvel aperçu du changement climatique

Entre la fin mai et la mi-juin 2025, plusieurs régions françaises ont été frappées par des orages de grêle particulièrement violents. Des grêlons gros comme des balles de ping-pong ont saccagé les cultures. Les dégâts sont tels que certains exploitants parlent d'une "saison perdue".

Des champs ravagés en quelques minutes

Dans la nuit du 19 au 20 mai, c'est le Sud-ouest qui a été frappé. Des champs de maïs, de colza ou encore d'ail ont été en grande partie détruits. Dans les témoignages récoltés par  France Info, un agriculteur de Grateloup-Saint-Gayrand (Lot-et-Garonne), raconte : " Il est tombé 45 millimètres en une demi-heure, ça ne peut pas résister ".

Plus récemment, dans la nuit du 14 au 15 juin, c'est l'Eure et la Seine-Maritime qui ont été ravagées par un orage de grêle d'une particulière violence. Selon les propos rapportés par France Bleu : "Tout est haché, c'est comme si on avait passé un broyeur pour détruire la culture". Sur certaines parcelles, tout est détruit. Météo France avait bien émis une alerte, mais la violence de ces phénomènes a surpris par sa rapidité et son intensité.

Des phénomènes plus fréquents avec le changement climatique

Deux études scientifiques récentes confirment que les orages de grêle, bien que difficiles à modéliser, sont en voie d'augmentation en fréquence et en sévérité en Europe.

Selon Raupach et al, 2021 (publié dans Revue de la nature Terre et environnement), le changement climatique serait à l'origine d'un risque accru de grêle sévère ainsi que d'augmentation de la fréquence d'orage de grêle en Europe et en France, sous l'effet de deux dynamiques :

    • D'une part, l'augmentation de l'instabilité atmosphérique (due à l'augmentation de l'humidité et à la hausse des températures), qui favorise la formation de grêlons plus gros ; et

    • D'autre part, l'élévation du niveau de congélation (altitude où l'eau gèle), qui prolonge la phase de croissance des grêlons en altitude avant qu'ils ne fondent en tombant.

Les études citées montrent que, dans un scénario de fort réchauffement, les conditions propices à la grêle violente pourraient augmenter de 40 à 80 % la probabilité de chutes de grêle violentes dans une grande partie de l'Europe d'ici la fin du siècle. Certaines régions d'Europe centrale et septentrionale pourraient également observer, d'ici 2100, un doublement de la probabilité de très gros grêlons (supérieurs à 50mm).

Une autre étude réalisée par Brennan et al, 2025 simule l'effet d'un réchauffement global de +3°C sur la fréquence et l'intensité des orages de grêle. Ses conclusions sont préoccupantes :

    • Le nombre d'orages produisant des grêlons de plus de 50 mm pourrait doubler, ce qui rejoint les conclusions précitées ;

    • Les zones touchées par un même orage (les "traînées de grêle") s'élargiraient de 15 à 30 %, conduisant à des événements plus vastes et donc moins localisés ; et

    • Les événements extrêmes combinant grêle et pluies intenses seraient deux fois plus fréquents.

Il est important de souligner que ces conclusions ne visent qu'un réchauffement de l'ordre de 3.0°C, soit le réchauffement moyen attendu pour 2070 dans un scénario de fort réchauffement, ou 2100 selon le scénario retenu par la TRACC (Trajectoire de Référence pour l'Adaptation au Changement Climatique) en France.

Quelles conséquences pour le monde agricole : comment s'adapter ?

Face à ces risques accrus, les dommages sur les cultures non-protégées pourraient ainsi devenir plus fréquents et plus coûteux. Accompagner le monde agricole face à cette réalité changeante devra se faire de deux manières conjointes :

    1. Mieux intégrer les conséquences financières liées à la grêle et autres aléas climatiques dans l'évaluation des risques de court à long-terme des exploitations agricoles. Seule une évaluation plus précise de ces risques pourra réduire la probabilité de situations de précarité à la suite de ces événements. Une adaptation financière de l'exploitation est requise par le biais de l'épargne de précaution et à terme probablement des niveaux d'emprunts plus adaptés à ces nouvelles conditions.
    2. Accélérer le financement de l'adaptation au changement climatique et aux différents aléas auxquels les exploitants sont exposés. Plusieurs pistes d'adaptation sont à envisager :

    • Filets paragrêle et d'ombrage : largement utilisés dans les vergers, ils pourraient être étendus à d'autres cultures sensibles. Les filets ont également l'avantage de réduire le stress lié aux vagues de chaleur, réduire les pertes évaporatives et aussi augmenter la température en cas de vagues de froid.

    • Assurance climatique paramétrique : pour compenser les pertes plus rapidement que les systèmes fondés sur des évaluations d'experts. Une indemnisation rapide pourrait ainsi encourager les exploitants à replanter une culture sur celle récemment détruite par les orages de grêles.

    • Diversification des cultures et des variétés : notamment avec des cultures / variétés avec des cycles plus courts permettant, en cas d'indemnité rapide (cf. point précédent), d'espérer rentrer une récolte malgré le dommage dû à la grêle.

    • Enfin, les outils de prévision fine des orages et des alertes localisées pourraient aider à mieux protéger les cultures à court terme, notamment en ajustant les dates de travaux agricoles ou en abritant le matériel, les animaux là où cela est possible.

Un signal d'alerte

Les orages de ce mois de mai et juin sont [encore] un avertissement. L'agriculture, déjà fragilisée par les aléas climatiques de long terme, devra faire face à des épisodes extrêmes de plus en plus fréquents. Il est urgent d'investir dans la prévention et l'adaptation pour éviter que les conséquences de tels orages ne deviennent la norme de nos étés.

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